Carnet de route

Evolution sur Terrain glaciaire
Le 11/06/2022 par Marie Laura MARCHAND
11-12 juin 2022 Weekend évolution sur terrain glaciaire – Les déca’pentes
Encore un autre weekend rempli d'émotions fortes avec le groupe d'alpinisme féminin !
C'était notre avant-dernier weekend avec guide, et on n'a clairement pas envie que ça s'arrête !!
L'objectif principal de notre groupe est de devenir autonome en montagne et de passer du bon temps ensemble sans se mettre la pression. On ne se prend pas du tout au sérieux et on va au rythme de chacune. En intégrant le groupe, nous ne maîtrisions pas toutes les mêmes notions. Avec du recul, je dois dire que je suis très impressionnée de la capacité d'adaptation et du degré de tolérance et de bienveillance que chacune a à l'égard des autres. Pour certaines, dont moi, nous apprenons non seulement les manips, mais nous apprenons aussi à évoluer en montagne, à gérer le vide, l'exposition, les longues journées au soleil, le vent, l'altitude, en plus des tonnes d'informations pratiques et techniques que nous apprenons.
Les weekends que l'on a fait en montagne nous ont vraiment fait vivre tout un éventail d'émotions fortes. Il y a des jours où l'on pleure parce qu'on n'en peut plus, parce qu'on pense qu'on ne sera pas capable, parce qu'on a peur de freiner le groupe. (Ça m'est arrivée ce weekend, je vous explique plus bas). En revanche, on partage aussi de moments où l'on a du mal à s'arrêter de rire, à déconner et à placoter.
C'est là qu'on se rend compte de la force de notre groupe et de sa dynamique. Notre objectif n'est pas la performance, mais plutôt d'apprendre et d'évoluer ensemble en prenant soin les unes des autres. Croyez-moi, il y a quelque chose de vraiment fort de vivre ça ensemble, dans un groupe de 10 humaines qui partagent la vie de groupe, la montagne et le dépassement de soi. C'est une immense chance que d'avoir atterri dans ce groupe.
Jour 1 : Objectif de la journée : Apprendre à évoluer en terrain glaciaire.
5h10 : Réveil
6h15 : RV à Faverges pour le covoiturage
8h : RV à Chamonix avec Greg, notre guide
8h30 : Embarquement dans le train du Montenvers en direction de la Mer de glace.
Le train du Montenvers est un train à crémaillère qui a été inauguré en 1910, et promis l'intérieur nous fait voyager dans le temps ! Juste de prendre ce train ça met l'eau à la bouche avec la vue sur les montagnes et l'altitude qu'on gagne.
A nos éclats de rire dans cette joyeuse ascension vers la beauté des cimes succède une vision bien funèbre à la sortie du train : devant nos yeux s’étend l’effroyable recul de la Mer de Glace, silencieux et inexorable. Nous connaissons toutes cette accablante réalité intellectuellement et de loin ; aujourd’hui nous la voyons et nous la ressentons au plus profond de nous.
Allez haut les cœurs ! Après quelques définitions : rimaye/moraine/structure d’un glacier nous voilà parties pour une marche d'approche d'une heure et demie droit devant nous sur la Mer de glace pour arriver sur le spot de la journée.
Notre matinée s'articule autour des bases du cramponnage : apprendre à bien régler ses crampons, à marcher sur glacier avec des crampons, et les techniques à privilégier en pente raide. On rigole bien car Greg nous fait faire plein d'exercices : la technique des 10 pointes, la technique des 4 pointes, mais aussi, sauter à pieds joints dans la pente descendante et s'arrêter brusquement (pas facile !), marcher à reculons, utiliser le piolet tantôt comme une canne, tantôt comme une rampe. Un des éléments primordiaux à retenir : 10h10 ! C'est-à-dire, marcher les pieds ouverts à 10h10. J'avoue, je suis excitée comme un enfant, car même si on a de la neige et de la glace au Canada, je n'ai jamais marché sur un glacier auparavant, et encore moins en plein été !!
Après avoir cassé la croûte les fesses au sec sur nos cailloux, on apprend à confectionner un abalakov puis on apprend le mouflage, une technique qui permet de sortir quelqu'un d'une crevasse. Greg nous montre trois options différentes de mouflage en nous souhaitant de ne jamais avoir à les utiliser. L'objectif étant plutôt d'apprendre à bien lire le glacier et comment évoluer sur celui-ci afin d'éviter de tomber dans une crevasse justement.
Après une journée riche en exercices, on reprend la marche de retour pour prendre le train de Montenvers et retourner à Chamonix.
Priorités existentielles du groupe à ce moment-là :
Priorité # 1 : Manger une crème glacée (ou une glace comme diraient les français !)
Priorité # 2 : Réviser les manips de mouflage pour le lendemain
Priorité # 3 : Mannnnnger ! Nous sommes affamées. On tombe sur un endroit super chouette où ils font des hot-dogs de luxe. Grandes fans de IPA, on arrose le tout avec la bière locale et puis on cherche désespérément un resto qui ferait des crêpes sur le pouce. En vain, on se dirige vers l'auberge de jeunesse. En arrivant devant notre dortoir, on se rend vite compte que nos cartes sont démagnétisées. J'avoue à 23h, on rêve d'une douche, de se brosser les dents et de filer au lit . Heureusement, ça s'est vite réglé et à 23h30 tout le monde dormait. Zzzzzz
Jour 2 :
6h20 : Réveil
7h15 : RV avec Greg
En route pour le tunnel du Mont-Blanc en direction de l'Italie ! Au fait, vous savez quelle distance fait le tunnel du Mont-Blanc ? 11,6 km mesdames et messieurs. En même pas 25 minutes de voiture, on venait de changer de pays, de langue, de culture... Toujours aussi impressionnant pour la québécoise que je suis. Et c'est sans parler du chocolat chaud et du café, ce n'est pas pantoute le même game ! C'est la première fois que je vois un genre de "chocolat fondu" en guise de chocolat chaud. Un vrai délice ! Une fois les babines délectées, nous prenons le téléphérique du "Skyway" qui part de Courmayeur pour rejoindre le refuge de Torino.
Objectif du jour : S'encorder sur un glacier et mise en pratique du mouflage
Arrivées au sommet du téléphérique, qui tourne à 360°, Greg nous explique le panorama des montagnes que l'on peut apercevoir d'ici. C’est-à-dire qu'elles sont nombreuses parce que nous sommes à 3 466 mètres d'altitude ! Juste d'être là, c'est hallucinant !! Vous irez voir "Skyway Monte Bianco" sur Google, promis, vous ne serez pas déçus.
La vue admirée, c'est maintenant l'heure d'entamer l'aventure !
J'ai été envahie d'une joie immense quand on s'est encordées par deux, en laissant bien une vingtaine de mètres entre nous et que le guide a dit : "Qui veut ouvrir la marche ?" J'ai dit oui comme ça au passage, et rien de trop fou m'attendait. En effet, le guide était non loin derrière et m'indiquait où aller. Mais c'est à ce moment qu'une joie immense m'a envahie.
J'étais là, dans le massif du Mont-Blanc, à ouvrir la marche dans un environnement inconnu. On aurait dit que j'étais seule au monde, devant ces sommets incommensurables, que l'on aperçoit généralement d'en bas, au loin... J'ai été envahie par une telle vague de joie et d'intensité. Mes yeux se sont remplis d’eau. C'était incroyable d'être là, tout petits êtres humains que nous sommes devant ces montagnes surdimensionnées. Je me suis retournée et j'ai crié à Greg : "J'hallucine, c'est capoté bin raide !!!!". Pas certaine qu'il ait bien compris, mais tant pis .
On continue de marcher avec en trame de fond, la Dent du Géant qui s'élève devant nous. Quelques minutes plus tard, on arrive au lieu d'exercice, c'est-à-dire devant une crevasse.
Sauter dans une crevasse volontairement, sachant qu'on est assurée bien sûr, ça reste quand même "sauter dans une crevasse" !! Heureusement, je suis encore portée par ce sentiment d'euphorie et d'adrénaline que je viens de vivre juste avant, car même assurée, ça nécessite de se jeter dans le vide au sens propre et non au sens figuré. Faut pas que je me pose la question 10 fois mettons. On se dit mentalement 1, 2, 3 GO (perso j'y suis allée à 4 ) En sautant, je fais une petite loop sans le vouloir, c'est-à-dire qu'un de mes crampons s'accroche dans le glacier, et me fait tomber la tête en bas. Dans les faits, ça s'est passé tellement vite que je n'ai pas trop eu le temps de m'en rendre compte. Par contre, pour Isa qui a sauté la première, je pense que ça a été un peu surprenant comme "descente" .
Une fois après avoir sauté dans la crevasse, il faut maintenant que notre binôme effectue le mouflage pour nous remonter sur terre ferme. C'est là que ça se corse pour la majorité d'entre nous. Non seulement, il faut se rappeler de la manip du Mariner double, mais il faut surtout préparer le "corps mort". De kessé ?! Le "corps mort" (doux nom …) est un point d'ancrage qui nous permet d'installer le matériel nécessaire pour faire le mouflage et remonter la personne de la crevasse. Creuser dans la neige avec un piolet quand on n'a rien qui nous tire vers le bas, c'est une chose. Creuser avec un piolet quand on a le poids de notre binôme qui nous tire vers le bas, qui nous scotch au sol, qui nous empêche de se mouvoir comme on veut, en plus de la pression que ça met dans les hanches, c'est un autre game. J'en pleure. Je ne pense pas que je serai capable de venir à bout de mon "corps mort". Les larmes me coulent sur les joues. Je lâche des *osti de crisse de câlisse de tabarnak* à voix haute. Je suis vraiment à "boutte". J'appelle Greg aux 15 secondes pour savoir si c'est ok, si j'ai assez creusé. "Non, pas encore". Je n'en peux plus… Avec la tension de la corde qui me tire vers le bas, je n'arrive plus à garder mes jambes tendues pour continuer de creuser. Résultat, petit à petit, je m'éloigne du "corps mort" et j'arrive de moins en moins bien à creuser puisque je ne l'atteins presque plus. Greg fini par m'aider pour la dernière étape, c'est-à-dire pour enterrer mon "corps-mort" car je ne me rends plus, je suis trop basse. Je me dépêche d'installer la microtrac et là ça y est, la pression dans les hanches s'arrête. Libération !!!! Je prends 3-4 respirations. Ce n'est pas terminé, j'ai seulement installé mon ancrage. Il faut maintenant faire la technique de mouflage du Mariner double, et hisser ma binôme. Je n'ai plus de cerveau, mais je finis par y arriver en posant quelques questions à Greg. Heureusement que cette technique de mouflage permet de décupler nos forces et de diviser le poids de notre binôme par 7, car je vous jure, ça reste sportif en titi ! Ça y est, j'aperçois le casque de Cécile ma binôme, j'y suis presque ! Elle touche terre ferme, Alléluia !! Je comprends Greg, j'espère vraiment que je n'aurai jamais à sortir quelqu'un d'une crevasse.
Entre l'altitude et les efforts que ça nous a demandé pour certaines, on ne se pas fait prier pour manger notre lunch !
Après le dîner on repart en direction du sommet du "Petit flambeau". Greg nous montre apprend quelques techniques pour lire un glacier. Petites photos souvenir au sommet et puis on redescend. On reprend la marche en direction du refuge et du téléphérique. Entre l'altitude, le vent et le mouflage, nous sommes toutes "toastées des deux bords".
On regagne le téléphérique qui nous ramène à la voiture, puis le tunnel, puis Chamonix.
On termine le weekend à la bière pour le debrief habituel avec Greg ! Greg demande à chacune d'entre nous ce qu'on a appris, ce qu'on retient et nos moments forts. C'est toujours intéressant de voir comment les autres ont vécu leur weekend et ce que ça leur a fait vivre. Greg ne le dira pas, mais je suis certaine qu'il s'ennuie de nous le lundi matin, il doit trouver ça bien trop calme comparativement aux deux journées précédentes . Car soyons franches, nous avons toutes un point en commun, on adore parler !! Si on croise votre chemin en montagne, ce sera facile de nous reconnaître !
On se donne rendez-vous en septembre les Déca ‘Pentes !!